« Trois agaceries galantes ou pittoresques »

Ange Anezo

Résumé

Les Trois agaceries galantes d’Anezo relèvent d’un genre sémillant et un rien satirique qui a fait florès au XVIIIe siècle, quand la littérature s’offrait sans façons la liberté d’esquisser, de citer, de sourire et de fusionner avec les horizons les plus divers de la pensée. L’esquisse de situations inédites, invraisemblables et néanmoins possibles, nous rappelle l’apport essentiel de la caricature graphique des Lumières, qui permit – enfin ! – la subversion des images, conçues comme des révélations ou des miracles. La subversion, la profanation sont au cœur de l’érotisme et le fonde comme le moyen d’un test critique des genres institués.

Ainsi, « Ah vous dirai-je maman ? », ou Fragonard, évoque bien sûr le frisson et la légèreté des pochades les plus célèbres du maître (on songe immédiatement aux Hasards heureux de l’escarpolette), mais aussi la reformulation comique et volontiers disgracieuse du même thème par James Gillray ou Thomas Rowlandson, que fascinèrent l’invention aérophile des frères Montgolfier. L’abracadabrantesque rejoint ici cette fascination pour la « folle du logis », qui est aussi la folle du logos – cette imagination qu’une mise en œuvre fictionnelle habile permet de transformer en outil de la raison. A cet égard, Une vie de Bichon, ou Greuze, qui transfère dans l’esprit d’un chien doué d’infortune les pensées du plus sincère homme des Lumières, ses passions intellectuelles et ses obsessions sensibles et sensuelles, est une nouvelle aussi terrible que souriante, mais sensualiste au premier chef. Coup de loupe surréel posée sur une cervelle canine qu’aurait pu imaginer le baron d’Holbach, ce petit texte nous plonge dans une spéculation initiée par les Bijoux indiscrets de Diderot et poursuivie par tant d’ouvrages philosophiques ou romanesques consacrés à la question de l’homme-machine. Syphilis et Sida, ou Boucher nous ramène d’ailleurs à l’univers des Bijoux, mais en scindant ce que Diderot fusionnait, l’exotisme de la turquerie théâtrale et l’intrigue sociale, morale et sexuelle. La sombre figure du jésuite génial et criminel n’est pas sans rappeler le Vautrin de Balzac – la citation est une loi du genre – mais ce jeu de cartes intellectuelles, artistiques et littéraires est ici, peut-être, un outil pour penser et vivre par procuration l’incroyable histoire de l’émergence et de l’essor de la civilisation sensualiste qui fut celle de Fragonard, de Greuze et de Boucher.

Christophe Henry.

Sommaire

I – « Ah vous dirai-je maman ? », ou Fragonard – p. 3

II – Une vie de Bichon, ou Greuze – p. 12.

III – Syphilis et Sida, ou Boucher – p. 37.

Couverture de l’édition familiale de 1993 – p. 67.

4e de couverture de l’édition familiale – p. 68.