Appel à contribution pour la revue Dix-Huitième Siècle

Sous la direction de :

Hélène Cussac : Université de Toulouse

Odile Richard-Pauchet : Université de Limoges.

Sous la direction de :

Hélène Cussac : Université de Toulouse

Odile Richard-Pauchet : Université de Limoges.

Le XVIIe siècle, on le sait, est par excellence le siècle du retirement. Un renouveau spirituel imprègne alors la pensée classique : le discours de la retraite, comme le souligne Bernard Beugnot, déclare « le besoin et le goût d’une intériorité, sans que nécessairement elle débouche sur la préoccupation du salut » (Le discours de la retraite au XVIIe siècle, PUF, 1996, p. 255).

Mais qu’en est-il au XVIIIe siècle, siècle de la sociabilité et de la critique religieuse ? Entre âge classique, sensualisme lockien et modernisme des Lumières, comment les romanciers, les philosophes, les artistes (peintres, musiciens, architectes), les médecins, pensent-ils et représentent-ils l’idée et/ou l’action de se retirer du monde ?

En 1757, Diderot fait prononcer à Constance dans Le Fils naturel cette âpre et dure sentence : « il n’y a que le méchant qui soit seul », phrase qui a suscité l’ire de Rousseau. Le frère de Diderot, l’abbé Didier-Pierre, ne lui reproche-t-il pas d’ailleurs, un peu plus tard, de ne pas avoir mis leur fille et nièce au couvent, au moins momentanément, en vue de parfaire son éducation (lettre du 13 novembre 1772) ? Alors que Marmontel et Fabre d’Églantine réécrivent Le Misanthrope (Contes moraux, 1761 ; Suite du Misanthrope, 1789) ; alors que Bernardin de Saint-Pierre choisit comme narrateur de Paul et Virginie un sage ermite ; alors que Diderot nous fait partager le séjour de sa Religieuse dans différents couvents, et que le roman libertin ne se prive pas de mettre en scène des femmes retirées tourmentées par leur corps désirant, on se rend compte que l’idée de quitter le monde parcourt les textes du XVIIIe siècle – romans, essais, autobiographies, lettres.

Une tension se fait donc jour au cours du siècle : pendant que les apologistes chrétiens, dont la littérature est intense et le lectorat encore important, continuent de conseiller la retraite monastique, les philosophes des Lumières luttent jusque dans le roman contre les retraites au couvent, mais mettent en scène d’autres manières de se retirer du monde, au moins partiellement (à la campagne, en fréquentant un cercle d’amis restreint par exemple), et ne craignent pas de faire parfois l’éloge de la solitude, au moins temporaire, que ce soit dans leur vie réelle ou dans la fiction.

Entre âge classique, sensualisme lockien et sociabilité des Lumières, comment les romanciers, les philosophes, les artistes (peintres et musiciens), les architectes, les scientifiques, les économistes pensent-ils, appréhendent-ils et représentent-ils la retraite ? Est-ce pour la recommander où pour la condamner ? Quel héritage les Lumières font-elles à la fois de ce topos littéraire et de l’habitus culturel légué notamment par la pensée janséniste ? Revoient-elles et corrigent-elles ce thème ? Le trahissent-elles ? Quels prolongements lui donnent-elles ? L’expriment-elles sous des formes ou des modalités différentes ?

On pourra examiner d’abord les raisons du retirement (échec sentimental, rapprochement de Dieu, désir de solitude, thérapie nécessaire….), mais on se demandera aussi s’il remplit la fonction qui lui est éventuellement assignée. Se retirer du monde au XVIIIe siècle rend-il heureux ? On pourra ainsi distinguer retraites volontaires et retraites subies.

Le futur numéro se veut transdisciplinaire et international : musicologues, historiens de l’art, historiens, historiens des sciences, économistes, sont tout autant les bienvenus que les littéraires et philosophes.


Pistes de réflexion :

1. Une culture de la retraite : raisons, motifs et traitement du topos.

– les raisons de la retraite (sentimentale, religieuse, misanthropique, médicale…)

– la retraite comme alternative économique (choix, nécessité ?)

– l’héritage de la retraite : reprise de la tradition ? Rejet ou parodie ?

– l’innovation : retraite dite « hygiénique »; retraite « thérapeutique ».

– retraites féminines/retraites masculines.

2. Pour une topologie de la retraite.

– espace, géographie, cartographie, architecture de la retraite : tradition ou innovation ? (grotte, souterrain, caverne, ermitage, couvent, château, domicile privé, île…)

– la représentation iconographique de la retraite : Locus amœnus ou terribilis ?

– la représentation musicale de la retraite.

3. Se retirer du monde : ethos et pratiques.
– la vie dans la retraite (qu’y fait-on ? y est-il question d’otium au sens classique du terme ?)
– la maladie dans la retraite (la mélancolie religieuse).
– retraite des immigrés (période révolutionnaire).


Informations pratiques :

 Une présentation plus longue du projet est consultable sur le site internet de la SFEDS : http://sfeds.ish-lyon.cnrs.fr/vie/vie.html

 Les propositions devront parvenir d’ici le 30 octobre 2014 simultanément à Hélène Cussac et Odile Richard-Pauchet.