Appel à communication : Journée d’études, « Le XIXe siècle face au passé. Regarder et transformer l’architecture des XVIIe et XVIIIe siècles »

Journée d’études du Centre André Chastel

11 septembre 2019, INHA (Galerie Colbert, Paris 2e)

Organisation : Emmanuelle Bordure-Auffret, Elsa Jamet et Clémence Pau (doctorantes, Sorbonne Université, ED 124, Centre André Chastel)

Le XIXe siècle français, entendu dans sa chronologie décalée allant de 1815 à 1914, a porté sur son héritage architectural un regard qui peut être divisé en deux tendances. Au sortir d’un long temps de revival « à l’antique », il a été marqué d’abord par une passion pour le gothique(1) et la Renaissance française(2), passion pleinement incarnée par l’activité de l’administration des monuments historiques et par les travaux de Viollet-le-Duc, Duban et leurs suiveurs. Légitimement, la plupart des recherches dans le domaine de l’architecture du XIXe siècle se sont focalisées sur les restaurations d’édifices médiévaux et Renaissance, patrimoine sur lesquels sont largement intervenus les architectes-restaurateurs.
Mais une autre tendance mérite un examen approfondi : les liens entre le XIXe siècle et l’architecture héritée des XVIIe et XVIIIe siècles. Au tournant de la Belle Époque, ce patrimoine architectural a fourni à l’éclectisme triomphant un grand portefeuille de modèles et de styles, auxquels l’historiographie s’est particulièrement intéressée. En revanche, elle n’a pas encore suffisamment intégré l’étude des interventions de cette période sur les édifices de l’âge moderne, faites de destructions, parfois, mais plus souvent encore de restaurations, de modernisations et de reconversions habiles.
Tous les programmes d’architecture ont été concernés par ces interventions : les églises, les bâtiments publics, les hôtels de ville, les hôtels particuliers, les résidences royales et certains anciens bâtiments religieux confisqués pendant la Révolution. On pense notamment aux églises parisiennes transformées par Etienne-Hippolyte Godde, aux hôtels de ville du XVIIIe siècle réaménagés, celui de Nancy entre autres, aux édifices publics modernisés, comme le théâtre de Ledoux à Besançon, ou encore aux nombreux palais, châteaux et hôtels particuliers mis au goût du jour.
Si les études monographiques d’édifices et d’architectes réalisées ces dernières années ont contribué à faire évoluer la situation, les interventions du XIXe siècle sur l’architecture moderne sont encore trop souvent mésestimées et donc susceptibles de disparaître au moment des restaurations. Pourtant, le regard de ce siècle pétri d’historicisme ne peut être résumé à celui d’un siècle démolisseur et « barioleur », pour reprendre l’expression de Bruno Foucart(3).
Jusqu’à présent, les phénomènes de modernisation et de reconversion de l’architecture au XIXe siècle ont surtout été analysés à l’échelle de la ville et du quartier(4). À l’échelle du bâtiment, outre les études monographiques, dans lesquelles les interventions du XIXe siècle sont la plupart du temps rapidement examinées(5), ces questions ont été principalement abordées dans le cadre d’analyses plus globales sur le décor, et plus particulièrement sur le grand décor mural peint et le vitrail(6).

Une réflexion générale sur les interventions du XIXe siècle, tant sur la manière dont elles ont été pensées et menées, que sur leur réception, hier et aujourd’hui, permettrait de questionner la relation qu’a entretenue cette période avec l’architecture « classique » et son décor.
La journée d’études se propose donc d’interroger les notions de modernisation et de réhabilitation de l’existant, en explorant la problématique du regard et du geste du XIXe siècle sur son passé « proche ».
L’un des objectifs d’une approche globale sur ces questions est l’appréhension des mécanismes de proximité culturelle entre deux périodes consécutives, à l’échelle du patrimoine architectural. Le XIXe siècle qui nous intéresse ici, celui de 1815-1914, a vu se développer une véritable conscience patrimoniale aboutissant à la loi sur les Monuments Historiques de 1913, dont la date correspond à l’épanouissement d’une nouvelle sensibilité au patrimoine moderne(7). La journée d’études sera donc l’occasion d’engager une réflexion sur l’invention du passé, de sa réception à sa protection, en suivant, tout au long du XIXe siècle, l’évolution du regard porté sur les deux siècles précédents.
Le second objectif de la journée est de reconsidérer le statut des interventions du XIXe siècle, de ne plus les regarder comme des morceaux annexes, venus gâcher l’aspect initial d’un édifice, mais bien comme des éléments faisant partie intégrante d’une construction et de son histoire, et permettant parfois de mieux comprendre ces deux dernières. De plus, l’étude de ces interventions permettra de valoriser des fonds d’archives souvent sous-exploités dans le cadre des travaux de recherches sur les édifices modernes.

L’exploration des relations entre le XIXe siècle et l’architecture des XVIIe et XVIIIe siècles pourra s’appuyer sur des études de cas et des analyses de corpus, sur l’examen de fonds d’archives et de sources littéraires, mais aussi sur des approches plus générales et théoriques. La journée d’études se proposera d’interroger les aspects suivants :

  • Le regard critique du XIXe siècle sur les productions des XVIIe et XVIIIe siècles
  • La prise en compte de l’architecture et du décor de l’édifice préexistant dans le cadre d’interventions de modernisation et de reconversion au XIXe siècle : que choisit-on de garder, de restaurer, de supprimer, de valoriser dans le nouveau projet ?
  • L’adaptation des interventions du XIXe siècle à l’architecture préexistante (choix du style, des couleurs, des matériaux, etc.)
  • Les méthodes mises en oeuvre par les historiens de l’art, les architectes et les restaurateurs du patrimoine pour analyser et valoriser (ou non) les interventions du XIXe siècle.

Tous les types de programmes architecturaux seront examinés et les interventions étudiées concerneront la réalisation de nouveaux décors intérieurs (peinture, sculpture, lambris, vitraux, papier peint, céramique, glaces, cheminées, etc.), les aménagements intérieurs (redistribution des espaces, escaliers, voûtement, ouvertures, sols, etc.), les agrandissements, les modifications de la silhouette extérieure et les reprises de la modénature extérieure. Les choix et les méthodes de restauration des éléments des XVIIe et XVIIIe siècles conservés pourront également être étudiés.

(1) L’architecture gothique, entre réception et invention. Impact, continuité et réinterprétation (XIIe-XXe siècle), journée d’études doctorales du Centre Chastel, 10 mars 2018.
(2) Frédérique Lemerle, Yves Pauwels, Alice Thomine-Berrada, Le XIXe siècle et l’architecture de la Renaissance, Picard, 2010, 272 p.
(3) « Architecture et décors peints », Entretiens du Patrimoine, Amiens, octobre 1989, Paris, 1990.
(4) Michèle Lambert-Bresson et Annie Térade, « Villes françaises au XIXe siècle. Aménagement, extension et embellissement », Les Cahiers de l’Ipraus, 2002, 191 p. ; Dany Sandron (dir.), Le passé dans la ville : remplois, identités et imaginaire (actes du colloque organisé par le Centre Chastel à l’INHA du 22 au 24 mai 2014), Paris, PUPS, 2016, 333 p.
(5) Les édifices les plus prestigieux, comme les résidences royales, font exception : Jean-Marie Pérouse de Montclos, Fontainebleau, Paris, Scala, 1998, 247 p. ; Sébastien Allard, Le Louvre à l’époque romantique : les décors du palais, 1815-1835, Lyon, Fage éditions, Paris, Musée du Louvre, 2006, 191 p. ; Oriane Beaufils et Vincent Cochet (dir.), Louis-Philippe à Fontainebleau, le roi et l’Histoire (cat. expo. : Château de Fontainebleau, 3 novembre 2018-4 février 2019), Fontainebleau, Château de Fontainebleau, Paris, Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2018, 263 p. ; Valérie Bajou (dir.), Louis-Philippe et Versailles, (cat. expo. : Château de Versailles du 6 octobre 2018 au 3 février 2019), Paris, Somogy, Versailles, Château de Versailles, 2018, 421 p.
(6) Geneviève Reille-Taillefer, Conservation-restauration des peintures murales, de l’Antiquité à nos jours, Paris, Eyrolles, 2009, 382 p. ; Le grand décor parisien à la fin du XIXe siècle : la génération d’Albert Besnard (1849-1934), journée d’étude à l’INHA, 28 septembre 2012 ; Michèle Moyne, Du dessin au vitrail. Peintures et maîtres verriers du XIXe siècle au nord de la France, Lille, Palais des Beaux-Arts, 2006, 80 p. ; Élisabeth Pillet, Le vitrail à Paris au XIXe siècle : entretenir, conserver, restaurer, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010, 343 p. ; Les décors sculptés dans les demeures privées en France (1600-1900), journées d’études à l’INHA, 20-21 octobre 2011.
(7) Ruth Fiori, « La perception de l’architecture classique en France au tournant des XIXe et XXe siècles : de la mode d’un style décoratif à la reconnaissance d’un patrimoine national », Louis Hautecoeur et la tradition classique, cat. expo. (Paris, Galerie Colbert, 31 janvier-30 avril 2008), Paris, INHA, Institut national d’histoire de l’art, 2008, 56 p.
Modalités pratiques

L’appel à communications s’adresse principalement aux doctorants et docteurs en histoire de l’art provenant des institutions françaises et étrangères, mais s’ouvre également aux doctorants issus d’autres branches des sciences humaines, ainsi qu’aux étudiants en architecture et en conservation/restauration du patrimoine.
Les communications, d’une durée limitée à 25 minutes, seront accompagnées de projections. Les échanges se tiendront en français et les communications seront acceptées dans cette langue.

Les réponses au présent appel devront comporter :
– un titre provisoire
– un résumé de 2 000 signes environ
– un bref curriculum vitae
Les réponses sont à envoyer avant le 6 juillet aux organisatrices, à l’adresse suivante : journee.chastel2019@gmail.com